À nos parts d’enfance meurtries
« Sois sage. Écoute bien la maîtresse. Mouche ton nez. Dis bonjour à la dame. Rentre ton ventre. Tiens-toi droite. Accroche-toi, sois gentille et tout ira bien. Sois forte et fais-toi des copines et des copains. C’est le jeu de l’enfance. Un jour, tu seras adulte et là, tu ne joueras plus. C’est ainsi, il n’y a pas d’autre choix. »
Un jour, je viendrai te chercher
Le sens-tu ? Me vois-tu ?
Je suis là, derrière les hauts murs
Je remonte la rue
Tu es là, je le sais
Dans une salle de classe
Ou dans la cour de récré
Je te vois, je suis là
Je remonte la rue
Et puis je la redescends
Je tourne autour des grilles
De ta prison.
Accroche-toi ! Je te promets
Qu’ un jour je viendrai te chercher
Tu le sais ; je m’en souviens
Assise au troisième rang, tu fixes la porte
Tu attends qu’elle s’ouvre
Quelqu’un va prononcer ton prénom
Et puis ton nom
Quelqu’un viendra te chercher, te libérer
Je suis là, sens-toi rassurée
Derrière la porte, de l’autre côté du temps,
Je t’attends.
Continue d’écouter le cours de français
Pas besoin de te presser
Je suis là, je t’attends
J’ai tout mon temps
Je suis ce jour-là où le temps n’existe pas
Je suis venue te chercher
Je me suis garée devant le lycée
Par la fenêtre de la salle 303
Tu me vois, je suis là
Allez viens ! Prends ma main !
Allez viens, on va vivre !
Allez viens, on va jouer !
Toi et moi enfin réunies
On va croquer dans la vie !
Je suis venue te chercher
Je suis désolée d’avoir été absente si longtemps
Je suis venue te chercher
Je te demande pardon pour cet enfermement
Je suis venue te chercher
Je te remercie de m’avoir attendue tout ce temps
J’ai voyagé, le temps d’une éternité
Je suis de retour, je passe près de chez toi, je suis là.
Je suis venue te chercher
Petite coccinelle coincée dans un printemps trop pluvieux
Le soleil est revenu
Tu peux déployer tes ailes à présent
Je suis venue te chercher
Tu peux arrêter d’attendre, tu peux cesser de lutter, cesser de pleurer.
Nous avons encore de grandes histoires à écrire ensemble. Prends tes jolis stylos, j’ai plein de cahiers neufs. Allez viens ! Oui ! Tes crayons de couleur aussi, prends-les ! Nous allons repeindre le monde ! Viens !
Je suis venue te chercher. Je t’aime !
©Texte et photo : Emmanuelle Andlauer 06/24
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